La race et la couleur

La race

Aux origines du mot race

La notion de « race » est génératrice du préjugé le plus tenace dans les relations entre groupes humains et la cause principale de leurs affrontements.

La notion de race reste mal définie pour beaucoup de gens, qui confondent les termes de race, de couleur et même d'origine ethnique ou nationale et de culture. Cette confusion provient du lourd bagage que traîne le concept de race, issu des conceptions erronées sur la nature humaine des philosophes, biologistes et anthropologues des siècles derniers.

Dans ses définitions anciennes, le terme « race » désignait un groupe d'individus ayant des traits physiques visibles extérieurement (les phénotypes), communs, dont l'origine était considérée génétique.

La couleur de la peau, la couleur des cheveux et des yeux, la taille, la forme des lèvres et de la tête étaient les critères le plus souvent retenus pour classifier l'humanité en races distinctes.

Le racisme

Les doctrines racistes sont fondées sur le raisonnement, explicite ou implicite, de la supériorité d'un groupe humain par rapport aux autres et sur la croyance que les différences biologiques, sociales et culturelles entre les groupes humains sont transmises héréditairement.

Le racisme est aussi une idéologie coloniale inventée pour favoriser la conquête des autres continents par les Européens. La meilleure façon d'exclure un humain pour l'exploiter, parfois comme un esclave, consistait à dire que celui-ci n'était pas assez humain. Par conséquent, le dominateur n'avait aucune obligation morale face au dominé.

L'idéologie raciste se manifeste parfois ouvertement, par des insultes, des plaisanteries malicieuses, des actes haineux, l'inégalité. Il reste que, bien souvent, elle est profondément enracinée dans des valeurs, croyances et attitudes stéréotypées.

Le racisme est aussi associé au pouvoir – institutionnel, politique, économique et social – détenu par le groupe dominant de la société. Ainsi, en Allemagne nazie et en Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid, le racisme d'État était officiel.

En Europe également, depuis les années 1990, de nombreux partis populistes et xénophobes se réclament ouvertement du racisme (Front national en France, British Party au Royaume-Uni, Vlaams Blok en Belgique, etc.)

Définition de la race et de l’espèce

Dans la classification générale du vivant, on parle d'espèce pour regrouper toutes les populations interfécondes (qui peuvent se féconder) et dont la descendance peut elle-même se reproduire et perpétuer des caractères morphologiques et physiologiques.

On parle de préférence d'espèces et de sous-espèces au pluriel (il y en a des milliers) pour les animaux et végétaux sauvages, de races pour les animaux domestiques et de variétés pour les végétaux cultivés.

Le concept de « race » ne peut que s'appliquer aux animaux, principalement domestiques, dont certains ont été isolés génétiquement par l'homme au fil des siècles (races chevalines, félines, canines, bovines, ovines, porcines, etc.).

La notion de « race humaine » a été abandonnée depuis une cinquantaine d'années par les scientifiques, car il n'existe pas de subdivisions génétiques au sein de l'espèce humaine. Les humains sont trop génétiquement semblables (99,9 %), pour qu'on puisse parler de « races » différentes parmi eux, comme l'a démontré le décryptage du génome humain en 2001.

Clairement, la notion de « races » humaines est une façon imprécise de désigner des populations dont l'incroyable diversité ne se prête à aucune classification simple et scientifiquement acceptable.

Les différences minimes que l'on perçoit, par exemple entre un Asiatique et un Européen, ne sont que l'expression plus ou moins forte de gènes communs et d'éléments secondaires qui témoignent de processus d'adaptation à un milieu ou à une alimentation (couleur de la peau selon l'ensoleillement, importance de globules rouges selon l'altitude, immunisation par rapport à certains virus, prédisposition à certaines maladies, etc.)

Ces différences ne définissent pas des « races » et ne justifient pas le racisme! Cependant, des « apprentis sorciers » persistent à se servir des tests d'ADN pour rétablir les vieilles catégories raciales qui pourraient être utilisées pour prouver les différences en matière de criminalité et d'intelligence.

Des « races humaines » malgré tout

De fait, aucune population humaine n'est parfaitement homogène sur le plan biologique. De plus, les différences à l'intérieur des populations elles-mêmes sont plus grandes que celles qui existent entre les diverses populations.

Après des études approfondies, les généticiens affirment qu'il n'y a pas plus de différences génétiques entre une personne qui a la peau noire et une personne qui a la peau blanche, qu'entre deux individus qui ont la peau blanche. Il n'existe nulle trace de races dans les gènes, aucun marqueur de la couleur de peau sur le filament ADN pour classer les « Blancs », les « Jaunes », les « Noirs », les « Rouges ».

Cette mixité génétique dans l'espèce humaine est tellement importante qu'un Chinois, par exemple, peut être le donneur compatible d'un rein à un Suédois. À vrai dire, les métissages et les brassages des populations au cours des siècles ont conduit à une extrême diversité au sein de l'espèce humaine, au point que la seule chose que l'on puisse assurer est qu'il n'y a pas deux êtres humains semblables.

Le terme de « race » n'a donc biologiquement aucun sens chez les humains.

Pour que des « races » humaines puissent exister, il aurait fallu que chaque peuple ait des gènes communs et exclusifs qui l'empêchent de se reproduire avec un autre peuple ou que sa descendance ne puisse pas se reproduire elle-même, ce qui n'est pas le cas chez l'ensemble des humains.

Seule la science du clonage espère parvenir un jour à créer des groupes parfaitement homogènes par manipulation génétique de certains animaux. C'est pourquoi les scientifiques disent que l'espèce humaine présente une unité biologique profonde.

À part quelques éventuels groupes humains hermétiquement isolés sur des îles de la Micronésie, il n'existe pas de peuple qui ne soit le résultat d'un certain métissage, remontant parfois très loin dans le temps, ni de culture qui n'ait été influencée par des éléments extérieurs.

Le néo-racisme : un racisme sans « races »?

L'idéologie raciste, à proprement parler, a éclaté au milieu du XXe siècle et bien des pans ont disparu à cause des progrès scientifiques et des avancées des droits humains.

Cependant, certaines notions, comme celle de « race », de même que des préjugés et des pratiques discriminatoires qu'elle intégrait et légitimait, survivent encore de nos jours et se sont fondus dans d'autres ensembles idéologiques. Certains chercheurs parlent de néo-racisme ou de racisme culturel.

Alors que le racisme classique établissait une hiérarchie entre les populations humaines sur la base des caractères biologiques ou physiques, le néo-racisme agit de la même façon sur la base de différences culturelles.

C'est un racisme différentialiste qui ne recourt pas à des arguments génétiques pour justifier préjugés et pratiques discriminatoires. C'est un « racisme sans races » qui prétend que les différences culturelles sont une menace pour la survie de la société, car inassimilables et incompatibles avec la culture nationale.

Les visions du monde raciste et néo-raciste valorisent les communautés qui sont perçues comme proches sur le plan culturel, donc intégrables dans la vie sociale et culturelle, et dévalorisent celles qui sont perçues comme plus éloignées et incompatibles avec la culture nationale.

Ce néo-racisme se voit dans l'immigration où les individus de culture européenne sont perçus comme assimilables par l'opinion publique, tandis que les non-Européens provoquent des « chocs culturels ».

Pire, au Québec, par exemple, certains cherchent à opposer les Québécois dit « de souche » ou « pure laine » aux citoyens issues de l'immigration qui menaceraient la « culture nationale ». La dépréciation des personnes aux origines ethniques ou culturelles différentes et la négation de leurs droits se font en raison d'une prétendue inadaptation culturelle plutôt que d'une infériorité biologique. Ce néo-racisme en appelle au respect de la différence, au désir naturel de rester entre soi : « Moi avec ceux qui me ressemblent, toi avec ceux qui sont les tiens ».

De nos jours, le racisme et le néo-racisme sont généralement véhiculés par des partis marginaux d'extrême-droite ou populistes.

Aucune institution québécoise ou canadienne ne peut être qualifiée de raciste au sens idéologique du terme : ni les partis politiques, ni la police, ni le système judiciaire, ni les services sociaux, ni l'école. Cependant, des attitudes ou des comportements inappropriés de certains de leurs membres peuvent exister.

Pourquoi continuer à employer le mot « race »  ?

De nos jours, les biologistes parlent de « population » alors que les sociologues utilisent les termes « groupe ethnique », « groupe culturel », « nation », « groupes racisés » ou « groupes racialisés ».

Pourquoi donc continuer à utiliser le mot race si celle-ci n'existe pas ? Parce que des personnes sont catégorisées socialement sur la base de leur couleur et finissent souvent par s'y identifier, et que le terme « race » et ses dérivés (comme « racisme », « société multiraciale ») font partie du langage courant ainsi que de la terminologie de textes internationaux contre la discrimination.

L'espèce humaine est la définition la plus appropriée scientifiquement pour définir l'humanité, dont les membres peuvent se reproduire sans difficulté dans des conditions naturelles et dont la descendance peut elle-même se reproduire.

La couleur

Le rôle de la mélanine et des facteurs climatiques dans la couleur de la peau

Toute population humaine présente une grande diversité de couleurs de peau.

Sur le plan scientifique, la couleur de la peau, appelée aussi complexion, est causée par un seul et même pigment de couleur brun foncé, appelé la mélanine, produit par les mélanocytes sous le contrôle de nos gènes.

Les différentes « couleurs » de peau, des poils, des cheveux ou des yeux que nous percevons ne sont en réalité que diverses teintes de brun, correspondant à la quantité de mélanine présente dans la peau de chaque individu.

Tous les humains ont de la mélanine, à part les gens qui souffrent d'albinisme. L'albinisme, qui est une maladie génétique caractérisée par une absence de pigmentation du corps, se retrouve chez tous les peuples de la terre.

Selon leurs gènes, les gens ont plus ou moins de mélanine à la naissance. Chez l'humain, le taux de mélanine n'est qu'une caractéristique génétique parmi des milliers d'autres.

La mélanine sert à protéger l'épiderme des rayons du soleil. Voilà pourquoi, il y a des milliers d'années, les humains ont produit différents taux de mélanine, selon l'endroit où ils résidaient (régions tropicales ou tempérées).

La couleur de peau moyenne d'une population humaine est donc en relation avec sa latitude d'origine : plus celle-ci est proche de l'équateur, plus cette couleur est foncée.

La peau claire des populations des régions tempérées leur permet de bénéficier davantage de la moindre exposition au soleil pour produire de la vitamine D et ainsi prévenir des maladies comme le rachitisme.

Inversement, les peaux brunes ou noires protègent du soleil, donc du cancer de la peau. Les populations exposées de façon continue au soleil développent une sorte de « bronzage permanent » pour se protéger des dangers d'une  grande exposition au soleil.

Chez les individus à peau claire, la mélanine se révèle par exposition au soleil et se concentre dans les taches de rousseur et les grains de beauté. Ainsi même un individu à peau blanche qui s'expose longtemps au soleil bronze.

Produisant en moyenne moins de mélanine que les hommes, les femmes ont un teint légèrement plus clair.

II n'y a pas donc pas de catégories distinctes de couleur de peau, mais une variation continue qui va des individus les plus foncés aux individus les plus clairs. C'est donc graduellement que cette variation se déroule... du brun foncé au blanc rosé.

Des adaptations au milieu, sans doute indépendantes dans les diverses régions géographiques, ont causé la répartition de ce caractère au cours de la préhistoire. Par exemple, les Amérindiens du nord de l'Amérique du Nord et du sud de l'Amérique du Sud aux régions froides sont plus clairs que ceux d'Amérique centrale. Toutes ces populations descendent pourtant des mêmes ancêtres qui ont peuplé l'Amérique depuis l'Asie du Nord au cours de la préhistoire. Une ou deux dizaines de millénaires ont suffi pour modifier l'aspect physique de leurs peaux.

Couleur de peau et racisme

La couleur de la peau a souvent nourri le racisme comme un « frère jumeau ». La confusion idéologique et symbolique entre peau et race, exaltée par l'esclavage, le colonialisme, l'exotisme et l'immigration est tenace.

Bien que la couleur de la peau n'ait rien à voir avec une prétendue race, la confusion persiste à considérer qu'une couleur de peau différente égale une race différente.

En effet, la couleur de la peau est une caractéristique individuelle frappante, souvent considérée comme un marqueur ethnique. Dans notre langage courant, les individus sont ainsi catégorisés par la couleur de leur peau : Blancs, Noirs, Jaunes, Rouges, Métis, Mulâtres, etc.

La couleur de la peau a aussi servi à classifier et à hiérarchiser les peuples. Dans certaines populations, les individus se distinguant par une couleur de peau inhabituelle souffrent de rejet. En Inde par exemple, les individus plus pâles appartiennent aux classes supérieures et les plus foncés aux basses castes. Ceci révèle quelques aberrations : à propos des Pakistanais, on invoquera la « race musulmane », alors que l'on parle de religion; de « race blanche », alors que l'on désigne la couleur de la peau, de « race française ou allemande », alors qu'il s'agit d'une nationalité.

Où placer les populations brunes des pays d'Europe du Sud (Espagne, Portugal, Italie) par rapport aux populations germaniques ou arabes ?

Que faire des Africains au teint plus pâle ?

Où classer les individus nés de couples « mixtes », c'est-à-dire de parents ayant une couleur de peau et des origines différentes ?

Que faire des descendants des premiers colons en Amérique qui ont du sang amérindien ?

Comment classer les enfants mulâtres ?

Pourquoi employer le terme générique de Noir pour désigner des populations d'origines et de cultures diverses issues aussi bien de l'Afrique que de la Papouasie ?